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mars 2001
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le 1er janvier 2017

“Si tu n’es pas à l’aise
avec ta propre culture,
tu ne peux pas avancer”

nous dit Filip Fanchette

journal 5-Plus mercredi 26 janvier 2003

On le trouve provocateur, extrémiste, dérangeant.
Lui dit qu’il s’engage auprès des pauvres, des opprimés
et milite pour que le créole retrouve sa dignité.
Rencontre avec le père Fanchette,
curé de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption,
Roche Bois, devenu le Filip de la cité..

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Père Filip Fanchette

paroisse de Roche Bois

Cette fois-ci, ça a été à l’école Emmanuel Anquetil.
Le malaise de quelques élèves, leur hospitalisation, le sit-in, la manif.
Et le père Filip Fanchette, qui, comme d’habitude, hausse le ton, crie sa révolte,
mêlant sa voix à celles de ses paroissiens, dénonçant l’environnement insalubre de cette école
“dont le gouvernement se fout”, réclamant une action du ministère, égratignant au passage les ONG de la région,
pour finalement suggérer que l’institution Emmanuel Anquetil,
devienne une école gérée par le Bureau d’Éducation Catholique (BEC).
Dès lundi, une première lettre ouverte au ministre.
En créole. Propos durs.
“Ou dir ou pas compran, compran dan sa ka la, li ene zaffer trip ek leker. pa la tête ek fonktion”
Ainsi parle Filip Fanchette, ce prêtre de la paroisse de Roche Bois qui dit ce qu’il pense,
sans économie de mots, capable de prises de position provocantes quitte à embarrasser son évêque
(tout récemment il exprimait sa surprise devant le refus du Bureau d’Éducation Catholique
de considérer la proposition du ministère de l’Éducation d’allouer les 50% des places réservées aux plus démunis).
Sa constance : sa lutte en faveur des plus pauvres, sa voix en porte-voix des sans-voix,
son combat pour la dignité de l’être humain, sa bataille pour l’acceptation du créole comme une langue :
“Si tu n’es pas à l’aise avec ta propre culture, tu ne peux pas avancer”, nous dit-il,
entre deux gorgées de thé glacé, d’un ton calme comme pour respecter le silence de sa petite varangue
ce jeudi après-midi.

Les tracas de Mgr Maurice Piat

De la langue créole, de la question d’identité, Filip fait sa force.
À Roche Bois dans son église, l’Évangile a été adapté en créole,
les chants de Jocelyn Grégoire emplissent l’église le dimanche matin et Filip se bat contre les idées reçues.
Il apprend à ses paroissiens que le créole n’est pas humiliant, dit que
“ ce qui fait ta valeur humaine est toi même et non une langue”,
confie qu’on peut s’adresser à Dieu “en créole,”
que “l’Église doit redonner aux créoles la fierté de leurs identités”.
Sa prise de position ne fait pas que des heureux.
À Roche Bois, certains fidèles récusent cette manière de faire,
estiment que la maison de Dieu pourrait être un endroit où les enfants peuvent être en contact avec le français.
À ceux-là, à ces “franco-Rocheboisiens”, “ces dangereux amateurs en pédagogie”,
Filip répond "le Christ n’est pas venu pour que les gosses apprennent le français à l’église,
mais pour que l’homme retrouve sa dignité.”

On pourrait le taxer d’extrémiste. Sa réponse :
“Pour moi, l’Extrémisme est une situation dans laquelle vit une masse de gens dans une misère inacceptable”.
Et qu’en pense l’Évêque Maurice Piat des prises de position de son abbé?
La réponse pourrait faire sourire : “Je sais que je donne des tracas à Maurice”,
dit Filip à la manière de ces insolents qui savent qu’ils ont raison.

Le Christ et les pauvres

Depuis peu à Roche Bois, les messes de Filip Fanchette
ont pris l’allure des sessions de prière du père Jocelyn Grégoire.
On se dit bonjour, on se serre la main, une nouvelle manière de célébrer la messe qui dérange certains.
Lui est conscient que cette pratique peut gêner et se demande
“s’il est bon de débarquer à la messe en tant qu’étranger pour repartir dans le même rôle d’étranger à son prochain”.
Dans son église, une autre trouvaille qui lui a valu des critiques,
on se demandait jusqu’où irait-t-il: Une représentation d’une Vierge noire
tenant dans ses bras un enfant, ramenée du Cameroun et bénie par le Cardinal Margéot,
un homme qui l’a toujours soutenu. “Si tu es franc avec lui, il te respecte”, dit Filip Fanchette
quand il parle de Jean Margéot. L’affection entre les deux hommes est partagée.
Jean Margéot fait le déplacement jusqu’à Roche Bois à chaque grand événement.
Comment oublier son homélie enflammée lors des funérailles de Kaya ?
On se souvient également de ces mots venus du coeur lors des 40 ans de vie sacerdotale de Filip Fanchette
l’an dernier : “Le père Fanchette est un véritable diamant qui s’est engagé auprès des plus pauvres”.
Le Cardinal voit juste.

Pour Filip, il y a une identification totale entre le Christ et les pauvres.
D’ailleurs, après son ordination le 29 juillet 1962, Filip cotoie les pauvres,
comprend bien vite la souffrance des opprimés, s’engage auprès d’eux après la découverte de la pédagogie
de Paulo Freire (former pour transformer) qui le fait voyager dans plusieurs pays.
Pendant 22 ans, Philippe qui deviendra Filip - car en créole c’est plus facile et puis,
c’est pour éviter qu’on le transforme en Vilipper ou Philipper - sillonnera le monde,
travaillera en Nouvelle-Zélande, aux îles Fidji, en Malaisie, en Afrique du Sud,
assistera au génocide du Rwanda, se fera expulser de Singapour pour se faire arrêter à Madagascar,
et militera auprès des mouvements de femmes.
Ce féministe qui ne s’en cache pas, est admiratif devant les femmes, ces mères-courage,
sans qui, selon lui, les luttes ne seront pas ce qu’elles sont.
À Roche Bois, il travaille étroitement avec plusieurs groupes.
Jeanne Mercure,
responsable de la ‘Commission des Femmes de Roche Bois
voit en Filip Fanchette un prêtre qui soutient la cause des femmes.
“Il a toujours été là pour nous soutenir et surtout pour nous guider et nous aider à aller de l’avant”, dit-elle.

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Mardi dernier, Filip Fanchette a rencontré le ministre de l’Éducation, Steve Obeegadoo,
au sujet de l’école Emmanuel Anquetil.
La rencontre, nous dit le prêtre, a été positive malgré les hésitations du ministère concernant
la reconversion cette école en une institution de la RCA.
La réaction de Filip :
“Comprendre une situation ne m’a jamais empêché de me battre”.
Et le revoilà déjà au front...

par Michaëlla Seblin

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mis en ligne le 05 octobre 2007