Interview:
JEAN CLAUDE LAU THI KENG, SOCIOLOGUE:
Les représentations des Créoles
de l'esclavage à nos jours
Journal souvenir du 160ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage
1er Février 1995, Rivière Noire
merci Norbert B. pour cet artcicle de presse
Q: Quelles sont, d'après toi, les conséquences de l'esclavage sur les comportement sociaux des Créoles d'aujourd'hui ?
R:L'expression de « réduire en esclavage » est en elle-même porteuse de beaucoup de sens.
L'esclavage est avant tout un état dans lequel des hommes, des femmes ou des groupes entiers sont réduits,
c'est à dire qu'ils sont dépouillés de leur liberté, mais aussi d'une partie d'eux même, de leur histoire,
leurs croyances, leurs noms, leurs langues et leurs cultures. C'est cette perte de leur identité sociale qui est,
je pense, la conséquence la plus importante de l'esclavage. La preuve en est que même plus d'un siècle et demi après
la fin de l'esclavagisme toute une section de la population est entrain de se chercher, d'essayer de se reforger une identité collective.
Pour le dire autrement, en sus de casser des individus, l'esclavage a cassé des groupes d'humains avec tout ce que cela comporte
de perte d'identité de groupe.
Q: Comment se perçoit-il donc ?
R: Dans la conscience collective des Créoles, les traces des traumatismes dûs à l'esclavage existent et persistent.
On peut ainsi noter que dans la représentation mentale qu'a de lui même le Créole, il se perçoit comme petit et démuni.
Il n'est pas rare qu'il se définit comme enn ti Kreol ou alors comme Ti Jean, Ti Pierre ou Ti Paul.
Il porte dans son subconscient une image réductrice et dévalorisante de lui-même.
Les conséquences de cela sur ses comportements sociaux sont qu'ils ne se fixe que des petits objectifs
dans sa trajectoire sociale ou dans celles des membres de sa famille.
Il ambitionne petit. Son approche de la scolarité est typique: il pose déjà les limites à sa scolarité
(tel fils fera jusqu'à la Form IV, telle fille ira jusqu'au CPE, ect).
Q: Quels sont les autres facteurs qui, d'après toi, font des Créoles un groupe pas comme les autres ?
R: Il y a tout d'abord son image de groupe. En ce qui concerne son image de groupe,
là aussi on détecte bien l'empreinte laissée par l'esclavage.
Il est souvent difficile pour des Créoles de s'imaginer comme groupe, et a fortiori comme un groupe uni;
cela contrairement aux autres groupes culturels qui existent à Maurice. N'oublions pas que lors de l'esclavage,
tout a précisément été fait pour qu'ils ne puissent pas se constituer en groupes. En premier lieu, ils été mélangés
de sorte qu'ils ne puissent pas communiquer entre eux autrement qu'à travers de la langue des colons.
Or, une fois la liberté retrouvée, ils avaient déjà intériorisé l'idée qu'ils ne pouvaient ni ne devraient se constituer en groupe.
Jusqu'à nos jours, ils partagent toujours deux idées fortes. (1) qu'ils ne leur est pas possible de se constituer en groupe,
et (2) que même s'ils arrivaient à le faire cela attirera des représailles ou du moins des réprobations.
On retrouve bien là une réflexion spécifiquement d'esclaves qui ne se regroupent pas par peur du maître, sauf que dans la contexte contemporain
c'est la peur de comment réagirait le gouvernement, les autres communautés. Tout regroupement est vécu avec une connotation de culpabilité.
Q: Cela veut-il dire qu'il n'a pas un sentiment d'appartenance ?
R: Non, sa conception de la communauté est différente. Ce qui prime chez lui ce n'est pas son appartenance à une communauté,
d'ailleurs on entendra peu de Créoles parler en termes de « nou communauté » ou « nou nation », car il s'y identifie peu.
Cela est visible aussi dans la manière dont il ou elle se mariera plus facilement hors du groupe.
L'interdiction de l'exogamie (mariage avec quelqu'un hors du groupe) est pratiquement nulle dans ce groupe.
En revanche, il s'identifie plus facilement comme « enn ti dimounn », « enn mailhéré ». Son comportement politique
est donc déterminé par cette primauté de sa position sociale sur ses origines culturelles. Il estime que le parti,
ou le politicien (quelque soit son origine ou religieuse) qui représente les intérêts de sa couche sociale,
est celui qui du même coup représente son groupe culturel.
Par ailleurs, cette primauté de la perception sociale sur l'approche ethnique explique nombre de clivages internes dans ce groupe.
Q: Y a-t-il d'autres traces laissées par l'esclavage ?
R: Oui, il existe d'autres traits dont l'origine remonte au temps de l'esclavage qui persistent.
Le rapport qu'entretiennent les Créoles avec l'idée de possession des terres ou de terrains, par exemple.
Ce groupe est celui où l'on trouve le moins de propriétaires de terres ou de terrains. Ce n'est pas par hasard, ni un manque de ressources
qui en est la cause, mais plutôt la manière dont il perçoit la possession des terres. Sous l'esclavage, l'esclave était « enchaîné »,
peut-on dire, aux terres de son maître, d'où l'impossibilité pour lui de s'imaginer propriétaire.
C'est plus généralement sa conception de la possession et de la transmission des biens qui est différente.
Il ne faut pas oublier qu'un esclave ne possède pas, c'est au contraire lui qui est possédé.
Aussi, on constate qu'actuellement les Créoles, même quand ils ont le moyen de le faire, ne vont pas investir dans les biens transmissibles
à ses enfants (terrains, actions, fond de commerce, ect.) contrairement aux communautés d'origine asiatique, mais dans des consommable
(nourritures, loisirs, ect.) ou à la limite dans des biens à courte durée de vie (vidéos, téléviseurs, hifi, ect.).
Q: Quelles perspectives voyez-vous pour les Créoles ?
R: Il est probable que nous assistons pour la première fois dans l'histoire de ce groupe, à une prise en charge collective dans ce groupe.
Entre la première utilisation de l'expression « malaise créole » et maintenant, il est appréciable qu'il n'y a pas eu de dérapages
communalistes, en ce sens que plutôt que de rejeter les responsabilités sur les autres, on a su au contraire s'auto-analyser,
se questionner sur son passé, ses erreurs. C'est certainement la meilleure voie pour en même temps se retrouver une identité
tout en n'entrant pas dans une logique communale d'exclusion et de mépris des autres.
Il y a lieu d'être optimiste quand à l'avenir.
;-) ADSL :-)









LES CREOLE DANS UNE SITUATION
DE DEFICIT ENORME
La position sociale de la communauté Créole de l'Ile Maurice n'est pas du tout enviable.
Les circonstances de l'Histoire se sont révélés désastreuses. Le développement économique contemporain n'a pas été non plus
profitable. Les partis politiques nous ont toujours berné. Les Créoles aujourd'hui sont en retard sur presque tous les plans.
Cela alors que progresse le pays et que toutes les autres communautés avancent net consolident concrètement leurs positions
dans la société. Dans ces conditions, les mieux lotis souffriraient moins en cas de récession tandis que les Créoles massivement
au bas de l'échelle sont les plus exposés au moindre désastre.
L'histoire n'a pas tout enlevé et cette flagrante disparité a réussi a sensibiliser la communauté Créole à sortir de sa léthargie.
Ainsi en très peu de temps, on a vu un regroupement phénoménal des Créoles un peu partout dans des organisations et des mouvements
apolitiques ayant tous pour objectif principal la promotion sociale de la communauté. Comme quoi, désormais, les Créoles
se soucient aussi de leur avenir commun et s'engagent dans la lutte pour faire valoir leurs droits et contribuant ainsi
a faire avancer notre démocratie.
Dans toute entreprise encore plus dans celle consistant à mener une lutte sociale, le capital humain est indispensable.
La communauté Créole possède des potentialités adéquates de ressources humaines qui sont à même de faire avancer la communauté
car notre destinée est commune. Adieu donc aux utopies et enjeux politiques futiles !
Il y a 160 ans de cela, nos ancêtres furent libéré. Livrés à eux même, ils étaient à ce moment dépourvus de tout.
Ils trouvèrent toutefois en eux le courage pour survivre. Nous sommes le fruit de cette lutte qui a traversé les sombres nuits
de l'Histoire et a résisté aux bulldozers du système colonial. Nos ancêtres nous ont donné une formidable leçon de ténacité
et nous ont appris à ne jamais abdiquer. Nous détenons les moyens pacifiques nécessaires pour nous battre contre l'intolérance
et contre l'ostracisme. Notre droit de vote est une arme démocratique redoutable. La culture Créole c'est l'âme de ce pays.
Un habitant sur trois de la population de ce pays est Créole. Si nous voulons sortir notre communauté de l'impasse de l'exclusion
nous ne pouvons compter sur personne d'autre que nous mêmes.
Paul E. François









PU KI NU DINITE RESPEKTE
;-) ADSL :-)
Mario Flore
(1995)
Dan pei Moris tu kominote ek tu kast ena zot lorganisasyon eksepte la kominote kreol ki finn zame organize.
Parski tu bann lider politik kreol finn tuletan fer nu kominote kwar ki a traver la politik tu diskriminasyon pu disparet
zenerasyon a zenerasyon.
Nu finn kwar zot me zordi nu finn truv kler parski pli ale nu pe perdi tu dan sa pei la ki nu gran fami finn konstrir
avek zot laswer ek zot disan.
Kan nu organise pu defann nu kiltir ki pe disparet zot tret nu kominalis me kan nu pas organize zot tret nu mandyan.
Frer ek ser Kreol finn ariv ler pu nu organize pu ki nu dinite respekte.
Mario Flore.
Réalisation de CREOLE & CULTURE avec la collaboration de Imagine Communication,
What's On Computer Magazine, avec les remerciements de la Prudence et Sofap Itée.