Année 1995
CELA NOUS CONCERNE TOUS
Norbert Benoît – Chercheur et Historien
Journal souvenir du 160ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage
1er Février 1995, Rivière Noire
merci Norbert B. pour cet artcicle de presse
Il est facile d'oublier.
Nous nous sommes si bien laissés prendre pendant des générations par la paix
rassurante de l'oubli pour souhaiter que cela dure: Il est si commode de continuer
à fermer notre cœur, comme si souvent nous fermons les yeux
sur ce que nous ne voulons pas voir !
La conjuration se perpétue, ne disons pas que nous ne le savions pas,
ne prétendons pas que nous l'ignorons.
Aujourd'hui se lève l'aube nouvelle.
Ne serions-nous que des spectateurs du soleil qui point à l'horizon ?
Vaguement admiratifs, encore que nous puissions être goguenards,
ne nous souciant que de nos petits maux,
de nos petits égoïsmes, en avançant que cela ne nous concerne pas.
Or, cela nous concerne tous.
;-) ADSL :-)
Norbert Benoit
1995
Mais qu'avions-nous donc oublié ?
Nous avions oublié que des hommes d'une certaine civilisation étaient allés aux confins de l'Océan
pour ramener d'autres hommes aux visions si différentes du monde, pour les atteler,
le mot est mieux choisi qu'on ne le pense, à des besognes qu'eux jugeaient trop pénibles.
Sans cet apport de sang nouveau (sang rouge comme le leur, mais qu'ils considéraient sans doute
d'un rouge différent car coulant dans des corps noirs) cette île serait retournée à l'état sauvage.
Cela nous avons longtemps fait semblant d'oublier.
Mais en ce jour du souvenir, nous nous devons de nous réveiller de notre torpeur,
afin de nous rappeler que pour que vive cette île, des hommes ont quitté ces rives pour s'en aller là-bas,
dans ces terres d'au-delà des mers , faire des razzias d'hommes, de femmes,et d'enfants,
sans lesquels cette terre serait restée inculte, et vouée à l'abandon.
Ils n'avaient plus de bois d'ébène pour en faire commerce, il fallait le remplacer par des produits autres.
Mais la terre était trop rebelle à la culture, le soleil trop vif pour des peaux sensibles,
habituées à de doux climats.
Alors ils ont pris ces hommes, ces femmes et ces enfants,
dont la peau leur rappelait le bois d'ébène qu'ils n'avaient plus,
ils les ont traînés jusqu'à cette terre perdue de l'Océan Indien.
Saurions-nous trouver les mots qui conviennent pour dire comment ces hommes, ces femmes et ces enfants,
nègres, négresses, négrites, arrachés des bras d'êtres chers, sont arrivés jusqu'à ce point perdu,
paradis pour les nantis, mais enfer sans nom pour ces milliers de déracinés?
Razzias, le plus souvent avec la complicité des potentats des lieux, que l'on leurrait en faisant miroiter
devant leurs yeux des babioles que l'on échangeait pour ces êtres dont le tort était qu'ils étaient noirs,
que l'on excisait de leurs mœurs, de leurs coutumes millénaires. On les parquait alors dans les cales
des vaisseaux où les conditions déplorables dépassaient l'imagination. Cargaisons de la honte,
cargaisons de chair humaine, il en mourrait par milliers avant qu'ils n'atteignent cette terre de l'opprobre.
Alors on les partageait, leur sort était pire que celui des bêtes de somme, on les considérait d'ailleurs,
dans bien des cas, pires que les animaux. Et pourtant on disait qu'ils avaient une âme.
Autrement les aurait-on forcés au baptême ?
Des Familles entières s'en trouvaient ainsi dispersées, car si, en des temps autres,
sans doute fort des leçons du passé, on aura l'idée de constituer les groupes, ces premiers cultivateurs,
ces premiers conquérants de l'île étaient disséminés aux quatre vents. Ces hommes, ces femmes, ces enfants,
arrachés aux habitudes et aux coutumes millénaires qui avaient été les leurs, ces hommes, ces femmes,
ces enfants, biens meubles que l'on louait, que l'on vendait à l'encan lorsque l'on n'en avait plus besoin,
en même temps qu'on le faisait pour le bétail que l'on avait en trop, étaient dépouillés de tout ce qui faisait leur dignité.
Quand parfois, mus par un fol espoir, ils rêvaient de liberté, on les ramenait vite à la réalité:
on leur coupait les oreilles, on leur tranchait le jarret. Si encore, même s'ils étaient ainsi diminués,
contre toute raison ils récidivaient, c'était la mort qu'ils recevaient en affreux partage.
Et peu à peu, ils étaient devenus des être tels qu'on l'avait voulu qu'ils fussent:
on les avait dépersonnalisés, ils en étaient réduits à l'état des sous-hommes.
Ils n'avaient plus d'attaches avec la terre de leurs ancêtres, ils se laissaient faire.
On leur donnait des noms qui dans leurs vocables ne voulaient rien dire, et qu'il perdurent jusqu'à nos jours
comme autant de témoins qui auraient pu exiger réparations, on leur inculquait la conscience de notions
qui leur demeuraient étrangères. C'était l'amnésie collective, encouragée, magistralement mise en place
par le système, un système qui partait du forum, en passant allègrement même par le chœur,
pour influencer tous les secteurs de la société.
Et quand l'abolition est arrivée, on les a laissés à eux même.
L'on ne s'est pas soucié de les retourner dans la terre de leurs ancêtres. Pourtant cela était bien possible.
Ailleurs, tant d'esclaves et leurs descendants ont retrouvé la terre de leurs origines, même si étrangement
appauvrie à force de ces ponctions régulières des meilleurs bras !
Pendant des années, ainsi livrés à eux même, ils avaient fini par croire que l'autre joue tendue était
le fin de la philosophie et de la morale. Ils ne furent pas exigeants dans leurs demandes,
et cela était bien commode pour tout le monde.
Mais aujourd'hui que, se réveillant de l'engourdissement dans lequel on les avait plongés,
après avoir promené leurs yeux étonnés tout au long du dédale de la Mémoire, leurs descendants revendiquent
le droit à la reconnaissance de la part que leurs ancêtres ont prise dans l'édification de cette île,
il serait criminel de ne pas les aider dans leur quête. Ils sont mus par une foi nouvelle parce que
se dessinent devant leurs yeux les pourtours du ghetto dans lequel pour cette fois ils risquent d'être à jamais enfermés.
Ils refusent cette perspective, cet esclavage renouvelé.
Que faire alors, même si nous ne sommes pas nécessairement de la race de ces déshérités ?
Nous fermer les yeux ? Nous enfoncer dans l'édredon douillet de la bonne conscience ?
Le temps pour eux de la revendication est venu, comme il était venu pour d'autres.
Ils ont été un peu lents à la découvrir. Au nom d'une certaine justice, et tout comme d'autres, en leur temps,
avaient aidé d'autres défavorisés à retrouver leur dignité, à ces déshérités d'aujourd'hui,
qui pendant des générations s'étaient contentés de leur sort, et avaient joué le jeu des nantis,
ces laissés-pour-compte, qui veulent enfin se retrouver, ces hommes, ces femmes, ces enfants qui cherchent
un point d'appui pour mieux servir ce pays, qui sont en quête d'une place au soleil d'une terre
qu'eux aussi ont préparée et rendue fertile par le sang qu'ils ont versés, cette terre qu'eux aussi
ont aidé à se développer, nous n'avons pas le droit de leur tourner le dos et dire que cela ne nous regarde pas.
Nous n'avons pas le droit de croire que cela ne nous concerne pas, car cela nous concerne tous !
par Norbert Benoit – Chercheur et Historien









Année 1835
Au nom de sa Majesté GUILLAUME IV
Roi du Royaume Uni de la Grande Bretagne
et d'Irlande.
;-) ADSL :-)
Texte original
année 1835
Son Excellence le Major Général, Sir Wiliam Nicolay, Chevalier Compagnon
du Très-honorable Ordre Militaire de Bain et Commandant de l'Ordre
Royal de Guelphic de Hanôvre, Gouverneur et Commandant en Chef, Capitaine
Général et Vice Amiral ect ect de l'ile Maurice et Dépendances.
Vu la lettre du Collecteur de la Douane du 13 juillet 1835.
Déclarons que le nommé Kapondiera JOBY
apprenti du Gouvernement dont le terme d'apprentissage est expiré est libre
et qu'il n'est soumis à aucune sorte de servitude ni condition qui puisse
mettre obstacle à son entière liberté.
Donné au Port Louis, Ile Maurice le 20 juillet 1835.
Par Ordre
Geo Dick
Secretaire Colonial
Enregistré au Bureau de la Police Générale le 8 septembre 1835









Année 1835
PROCLAMATION
pour noirs esclaves dans Maurice.
(TRADUCTION EN LANGUE CREOLE.)
;-) ADSL :-)
Texte original
année 1835
Dépuis nous lé-Roi été nommé moi pour Gourvernère dans
pays-ci, moi lé content manière qui zautre, presque tous,
été travaille, été vivre !
Moi lé content, sirtout, quand moi té voir qui vous été
amisé tranquilles zour bonne-année qui fini passé; sans ta-
paze, sans la guerre, sans trop boire; pacequé moi pense
qui toujours ça va allé comme ça, et qui vous va mérité du
bien qui lé Roi voulé faire avec zautres.
Document d'archives datant de 1835









Poème
EN MARCHE VERS LA LIBERTE
Ce poème de Jean Erenne appelle à l'unité pour faire triompher la liberté d'un peuple
trop souvent quantité négligeable, c'est au rythme du tamtam de la ravanne et du triangle
que ce peuple marche vers son identité.
par France Supparayen, comédien.
Séga de la liberté: Extraits
Nous n'avons plus que le séga pour nous unir
nous n'avons plus que le séga
que l'on a mis à la boutique
parmi les pains de paix amère
qui sont offerts partout partout
et pour confondre nos désirs de liberté.
Mais trois cent ans
que nous guettons le son
du tambour endormi dans la terre
où la corde de nos nombrils est enfouie.
Jean Erenne
Réalisation de CREOLE & CULTURE avec la collaboration de Imagine Communication,
What's On Computer Magazine, avec les remerciements de la Prudence et Sofap Itée.