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mars 2001
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le 10 aout 2025
RENCONTRE AVEC ISSA ASGARALLY,
“ASSOCIATE PROFESSOR”
AU MAURITIUS INSTITUTE OF EDUCATION

“Pourquoi vouloir compartimenter
les cultures et les hommes ?”


presse officielle mauricienne
Jeudi 26 février 2004 - No. 14980

Issa Asgarally estime que le compartimentage des cultures porte atteinte à leur histoire,
à leur richesse et à leur complexité. D’où l’urgence de l’Institut international pour le dialogue interculturel et la paix.

Issa Asgarally, vous avez fait partie de la “Task Force” en vue de la création de
l’Institut international pour le dialogue interculturel et la paix.
Vous avez participé aux deux réunions préparatoires à Maurice.
Qu’en est-il de cet Institut ? La dernière réunion date de juillet 2002.
Depuis, on est sans aucune nouvelle. Pour que l’Institut existe dans les faits,
il faut que cinq pays membres, y compris Maurice, approuvent et signent les statuts.
Et le fait de signer signifie accepter de financer l’Institut.
Lors de la dernière réunion, la part de contribution de chaque pays au budget
de cet Institut a été définie.

En quoi cet Institut vous semble-t-il important pour Maurice et le monde ?

Cet institut international a pour finalités l’interculturel et la paix. Il ne faut
pas oublier que la culture peut mener à la paix aussi bien qu’à la guerre. Tout
comme la religion, elle n’est pas associée qu’à l’harmonie, qu’à la paix. N’oublions pas
que les troupes britanniques ont failli venir ici en 1999, le pays étant alors au bord
de l’explosion sociale; elles étaient là en 1968. On pourrait réussir à transformer
Maurice en une cyber-île. Mais l’harmonie sociale, c’est une autre pair de manches !
Depuis les émeutes de 1999, je ne vois pas ce qui a été fait concrètement pour que
ça ne se reproduise pas. En ce sens, l’interculturel à Maurice, c’est une question
de vie ou de mort. Ce n’est pas seulement un objet de recherche.
L’interculturel a en fait deux finalités: l’une c’est le “vivre ensemble” au sein
d’un peuple et entre les peuples; l’autre c’est, au sens esthétique, une culture riche
et ouverte. A mon avis, l’Institut international pour le dialogue interculturel et la paix
est le projet culturel le plus important de l’Etat mauricien. S’il n’est pas réalisé,
ce sera donc la plus belle occasion ratée.

Y a-t-il une mauvaise conception des cultures et de leurs rapports ?

A Maurice, depuis l’Indépendance, on ne pratique que le multiculturalisme.
Les divers centres culturels en sont une parfaite illustration : centres culturels indien, français, africain, islamique,
chinois, marathi, tamoul, télégu etc. Ces centres culturels ont une préoccupation identitaire : préserver et promouvoir la culture africaine,
islamique, marathi, télégu, tamoule, mauricienne, etc. Mais, où commencent et où s’arrêtent les frontières entre ces cultures ?
Le débat n’a jamais été entamé. Par ailleurs, est-ce que le “membership” (en tant que membre du Conseil d’administration ou du centre)
est basé sur un critère religieux ou ethnique ? Si c’était le cas, ce serait anticonstitutionnel,
surtout après les jugements de la Cour Suprême et du Privy Council qui décrètent qu’une institution financée à 100 % par l’Etat
ne doit pas choisir des critères religieux (ou ethniques ?) pour qu’on puisse y avoir accès.

Vous êtes l’auteur d’une étude, “Un ministère de la culture pourquoi faire” paru en 2001.
Quel constat faites-vous aujourd’hui ?


Je me permets de vous citer ces lignes qui sont toujours d’actualité : “Pour qu’une politique culturelle
ne soit pas une politique du spectacle ou le spectacle d’une politique, elle doit être d’abord une “politique”,
c’est-à-dire une action collective structurée par un projet, un ensemble de décisions et des choix à long terme.
Elle est jugée sur le nombre, la qualité et la solidité de ses réalisations. Une politique culturelle doit être “culturelle”,
c’est-à-dire, reposer sur une vision claire et cohérente de la culture. Elle Doit démocratiser la culture en respectant
l’autonomie de l’art. L’égalité se construit, car la culture, comme la démocratie, n’est pas un état, mais un effort.”
J’ai dit également qu’il faut penser les rapports entre le ministère de la Culture et des Arts
et tous les centres culturels existant à Maurice. On ne l’a pas fait. Aujourd’hui quelle est la situation ?
Le ministère de la Culture et des Arts a été réduit à deux fonctions : la représentation symbolique,
comme au lancement des livres, et la fonction de coordination pour la célébration d’événements en tous genres.

Le fait d’être toujours dans le multiculturalisme constitue-t-il un danger pour Maurice ?

Le multiculturalisme est un facteur de division. Il compartimente les cultures et les hommes en même temps.
Ça représente un danger. Et ça mène inévitablement aux affrontements interethiques si le ressentiment,
la frustration ou le sentiment d’injustice se greffe là-dessus.

Pourtant le multiculturalisme, ça veut dire aussi “unité dans la diversité”…

Oui, mais on part toujours de la diversité pour chercher l’unité, souvent introuvable.
On crée des ghettos, puis des passerelles entre. On se sépare, puis on demande de travailler
main dans la main. En 1999, ce n’était pas la main dans la main, c’était des coups de pied.
La nation arc-en-ciel s’est estompée.
D’ailleurs, c’est dans la nature de l’arc-en-ciel d’être éphémère ! La mosaïque a volé en éclats.
Pourquoi diviser les hommes pour ensuite tenter de les réunir. Posons l’unité comme point de départ,
ensuite la diversité. L’interculturel, c’est la diversité dans l’unité !

C’est ça l’interculturel ?

L’interculturel, c’est voir les hommes comme des êtres humains d’abord.
Au départ les hommes sont les mêmes. Il faut voir l’unité d’abord, ensuite les différences.
L’interculturel ne nie pas le rôle constitutif des différences naturelles et culturelles
dans les relations humaines. Simplement, ça remet en question la notion que la différence
implique l’hostilité et une connaissance réciproque, construite sur cette opposition,
qui envisage L’autre comme un adversaire. Il y plusieurs intellectuels qui jouent
un mauvais jeu à Maurice. Ce sont des pompiers pyromanes. Il faut savoir
si on veut travailler pour le compartimentage des cultures, la division des hommes,
la guerre civile ou alors œuvrer pour le rapprochement des cultures, leurs interactions fécondes,
la paix.
Certains n’aiment pas l’interculturel. Il faut servir la culture avec intelligence, dynamisme
et imagination interculturelle. La culture est une affaire d’homme.

En quoi l’interculturel transcende-t-il le multiculturalisme ?

L’interculturel n’est pas le multiculturalisme. Le multiculturalisme, c’est la tolérance.
Certes, mieux vaut ça que l’intolérance. Mais ça ne peut pas être l’horizon indépassable
de notre temps. Il faut aller voir plus loin. Il faut voir les cultures comme les mouvements
d’un Tout majestueux, symphonique, l’histoire de l’humanité dans toutes ses variations
et ses divergences. Les cultures sont évolutives. Une culture, ça n’a pas toujours existé,
ça a pris naissance. L’histoire montre bien qu’il y a toujours eu des influences en amont.
La culture grecque a subi de multiples influences, car la Grèce a été une colonie de l’Egypte.
Par nature les cultures sont dans un état de développement continu et de changement dynamique
tout en maintenant des interactions constantes avec les autres cultures.
Lorsqu’on les compartimente, on les fige; on va à l’encontre de leur nature profonde,
on porte atteinte à leur histoire, leur complexité et leur richesse.

Peut-on dire que l’interculturel existe déjà ?

On ne commence pas à zéro. Il s’agit de prendre conscience de ce qui est et de donner
un coup de pouce pour que ça aille plus loin. Il y a des gens qui représentent déjà l’interculturel
par ce qu’ils sont, ce qu’ils écrivent, ce qu’ils font. Ils le vivent quotidiennement.
Mon engagement pour l’interculturel vient de ce que je suis moi-même concerné directement.
Je le vis à ma manière. L’interculturel n’est donc pas une nouvelle culture à atteindre,
c’est une autre vision du monde, de l’histoire, de l’identité, et de la vie.
L’interculturel est une démarche. C’est pourquoi je préfère le terme “interculturel”
à “l’interculturalité” qui désigne un état.

Ce qui suppose la mise en œuvre d’une éducation interculturelle ?

La situation présente dans le monde montre que l’éducation interculturelle est bien partie.
Rien qu’en 2003, j’ai participé moi-même à un séminaire de recherche à l’IUFM de Lyon
sur “Interculturalités en Europe” et à une conférence de l’Unesco en Finlande
sur “Intercultural Education”. Mais à Maurice, elle reste la grand absente de la réforme.
C’est malheureux. Parce que l’école est un espace civique où des élèves
de différents milieux se rencontrent. L’éducation interculturelle est donc fondamentale.
Dans l’interculturel, il y a une dimension purement culturelle. L’éducation ne peut
donc pas s’en désintéresser et l’éducation interculturelle fait société, retisse le lien social.
Faut-il attendre d’autres émeutes pour comprendre son importance ? Il ne suffit pas
de construire des écoles, de remplacer le “ranking” par le “grading” ou de comptabiliser
les langues orientales. Je ne dis pas qu’e ces actions ne sont pas importantes. Elles le sont,
mais il y a des choses aussi importantes que ça. J’ai travaillé dans l’enseignement pendant longtemps,
je sais de quoi je parle.

Ne faut-il pas former les enseignants d’abord ?

Heureusement qu’au Mauritius Institute of Education, il y a le projet d’introduire un nouveau module
parmi les vingt autres dans la formation des nouveaux enseignants du primaire. Comme je l’ai rappelé
aux responsables du MIE, l’enseignant du primaire doit enseigner huit matières.
L’enfant doit également assimiler ces huit matières. Mais quelles passerelles entre tout ça ?
Les disciplines sont devenues des ghettos. On sait que les élèves s’appauvrissent culturellement
de jour en jour. Les connaissances de l’enfant s’accumulent, mais c’est fragmenté.
L’enfant est livré à lui-même. C’est à lui de faire la synthèse. Il n’y a pas de boite à outils conceptuels.
L’interculturel serait cette boîte-là. Il pourrait relier tout ça. Il y aurait une véritable interdisciplinarité.
Mais il faut d’abord proposer cette perspective interculturelle aux enseignants.

“Posons l’unité comme point de départ, ensuite la diversité.
L’interculturel, c’est la diversité dans l’unité!”

Propos recueillis par Vèle PUTCHAY

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Issa Asgarally
L'histoire du prince Malgache
Ratsitatane en 1822

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mis en ligne le 09 mars 2004